BIOGRAPHIE
LA SAGRADA
3 FÉVRIER 2023
[ CASA DEL ARBOL / INOUÏE DISTRIBUTION ]
La Sagrada, le nouvel album de Natalia Doco, puise dans la foi de la petite fille érudite des bancs de l’église pour nous emmener plus loin, vers une foi plus adulte. Elle harmonise, de voix en prières, le chemin de la femme consciente qui médite pour trouver la juste place de ses soeurs dans l’histoire universelle. Tout comme, le réalisateur argentin Pablo Agüero, dans le film “Madres de los dioses”, dont le travail fait écho au sien, elle décortique savamment, les concepts du divin féminin.
“Au commencement, la femme créa, le ciel et la terre. Et la femme dit, que la lumière soit ! Puis, elle créa les mâles et les femelles. Et voici que les dieux mâles renient leur créatrice, chassent les déesses de leur monde. Alors les déesses partent vers le sud, dans une vallée de patagonie. Elles créent de nouveaux temples et plus rien ne les empêchera de faire ce qu’elles imaginent”… Extrait de la bande annonce du film, Madre de los Dioses, auquel Natalia Doco, rend d’ailleurs hommage sur le disque, le titre Decreto, avec la voix de Géraldine Chaplin, premiers accords d’une histoire de longue amitié avec Pablo Agüero …
Il y a dans l’inconscient collectif des femmes, un puissant traumatisme, celui des sorcières que l’on brûle au bûcher. Rien qu’en Europe, plus de 60 000 victimes. C’est de là que naissent les chansons de Natalia, une transe ésotérique qui libère les femmes de leurs colères, mais les rassurent aussi, le monde leur appartient.
Sur l’album précédent, Natalia explorait la nature ici, elle se connecte avec le féminin sacré. Depuis ses 21 ans, alors qu’elle quitte l’Argentine, pour l’aventure, la musique, la découverte du monde, elle n’a jamais cessé de s’instruire et de douter, pour assouvir sa curiosité . Elle part au Mexique, une culture shamanique, découvre les écrits de l’écrivain américain Carlos Castaneda, trouve sa voix. Ses premiers pas de liberté la mènent huit ans plus tard en France.
C’est tout ce voyage, que l’on trouve dans ce nouvel album, des sonorités du Mexique, des déserts de l’Amérique, mais surtout de la nature et du sacré. Car au-delà du langage, il y a la vibration, l’émotion qui soigne, plus forte que les mots. La Sagrada.
Je suis la sœur de la forêt et je ne veux plus jamais me taire, jusqu’à ce que je trouve mon ciel.
L’album s’ouvre sur une prière, une comptine, comme on berce les enfants. Et ce jeu de voix tantôt intime, tantôt sublimée de chœurs, se poursuit tout au long du disque. Elle l’enregistre seule, l’improvise d’abord dans sa tête en marchant dans la nature avant d’y poser ses mots, guidée par l’esprit de Maria De Magdala, le feminin sacré. Aujourd’hui ce n’est plus la bible qui est posée sur sa table de chevet. Non, c’est “Femmes qui courent avec les loups”, de la psychanalyste jungienne et écrivaine, Clarissa Pinkola Estés, un livre paru en 1992 qui analyse les contes pour y trouver les enseignements qui libèrent la femme sauvage des carcants de la société. Mais elle prie toujours. Je suis sacrée. Nous sommes sacrées.
Une fois l’introduction à la prière Sagrada passée, Decreto, d’abord chuchotée puis chantée, pose les cordes et les cuivres pour célébrer la quête de soi. Et puis Niña Lunera, la connaissance sous le regard bienveillant de la lune. A chaque titre, on avance un peu plus dans l’histoire de Natalia, Coplito, dramatique de violoncelle ajoute encore des nuances, de la profondeur dans son récit, Sagrada, décrit des paysages, invite des personnages, on y croise des enfants, des chevaux, Ya llegó, peu à peu, on entre dans ses images. On s’imagine son conte. Les sons sont pensés, pesés, chacuns à sa place. Du réel au surnaturel inspirés des chants soufis ou bien des cuivres du Mexique. Étiré jusqu’au psychédélisme, ces instruments comme sur la Sagrada, bousculent, nous font perdre nos repères, répètent comme un mantra, des mots de pouvoir. “Je mérite tout ce qu’il y a dans le monde”. Des mots qui, à force de se chanter, changent l’esprit de l’intérieur, explique Natalia Doco. Et c’est avec Madre de los dioses, la mère des dieux, qu’elle clotûre notre initiation au sacré en toute simplicité sous le regard tendre de Maria De Magdala. Au coin du feu, elle nous prend dans ses bras. La Sagrada peut recommencer.