BIOGRAPHIE
VORTEX
Nouvel album 9 septembre 2022
[ VITA MUSIQUE / ABSILONE ]
Sarah Olivier, follement libre et tellement plus désirable que la banalité de la norme. Sacrément expressive, voire impressionniste, fantasque, débridée, insolite, profonde, joueuse. Cette diva indomptable semble exister dans une autre dimension où ses mélodies insanes et mots imagés s’ordonnent selon sa propre fantaisie.
Aucun plan de carrière chez elle. Ou alors un plan à la merci du vertige, des grands reliefs, des montagnes russes, des pistes non balisées. Fidèle à sa ligne de conduite depuis Pink Galina, premier geste discographique en 2013. C’est une femme de planches, de cabaret, d’opéra, d’ombres et de lumières, d’excentricité voluptueuse et de désordre, toujours en lien avec l’intelligence de la mise en scène décomplexée. Brûlante, constamment brûlante. Multiple, riche d’expériences traversées dans la danse, le théâtre, le cirque, le cinéma, la polyphonie vocale. Ou l’étude de l’histoire de l’art à l’université. Et qui n’hésite pas non plus à inscrire le nom du père, le peintre Olivier O. Olivier (membre du mouvement artistique « Panique », avec notamment Fernando Arrabal et Roland Topor), tout en haut de la liste de ses stimulations créatives.
Elle de partout et nulle part, Sarah Olivier. Ni frontières, ni chapelles au sein de son esthétique. Ne rien s’interdire. S’aventurer avec un appétit pique-assiettes dans la chanson, le jazz, le blues, le rock, la cold-wave, l’électro, le classique, le traditionnel, l’industriel. Jongler entre la langue française et anglaise. Peut-être publier le roman entamé lors de son exil américain. En attendant, les Allemands l’érigent comme la digne descendante de Nina Hagen, tornade punk qui ne fait pourtant pas partie de ses influences revendiquées, tandis que l’Angleterre, la Suisse ou le Canada savent lui offrir une généreuse hospitalité lors de passages à fréquence régulière. Cascadeuse aux armes fatales, aussi à l’aise dans des clubs enfumés et squats que pour offrir une belle effervescence introductive aux concerts des Insus (autrement connus sous l’appellation Téléphone) dans l’enceinte mastodonte des Zénith.
Cette capacité à lire autrement la réalité et ce refus de l’académisme donnent à chaque rendez-vous passé en compagnie de Sarah Olivier une saveur particulière. Avec Vortex, prémices d’un opéra-rock en cours d’écriture, elle continue de tisser sa toile anti-conformiste. Plus élaboré, plus ambitieux que le précédent Suck my toes, il est résolument escarpé, trituration autant inventive qu’ardente, opératique qu’intime. Disque écrit dans la solitude angoissante – et finalement appréciée – du confinement. Disque d’intériorité, d’intuition, d’instinct. Disque de décollage et d’envol. Disque d’une quête incessante de beauté. Beauté universelle, cosmique, primale, vénéneuse. Give me your beauty, ordonne-t-elle même en guise de générique, injonction qui sonne là comme un appel à la fois vital et désespéré.
Vortex donc, mot soudainement apparu en lettres blanches dans de la fumée pendant qu’elle dessinait (autre aptitude dans son escarcelle, le livret de l’album en étant la preuve parfaite). Une obsession ici, au même titre que celle de John Keats, poète anglais qu’elle vénère et auquel elle emprunte quelques vers détournés. Sarah Olivier courtise sa fringante garde rapprochée (Jérémy Lainé, Raphaël Dumas et Stephen Harrison, fidèles musiciens de scène et studio) pour se risquer à ses échappées aventureuses. Opulent en contrastes et circonvolutions sonores, l’ensemble possède une éclatante étrangeté. En émergent un rock british écolo (Rose garden), un état autant exalté que contemplatif (Déconstruction), un monologue intérieur féministe irriguée de chants grégoriens et de ruptures rythmiques (Menace), un désir trouble de hauteur (Les grands lacs), une vision spectrale (May 1999), les morsures d’une passion naissante illuminée par des rayons épiques et cinématographiques (Mélancolie), un lâcher-prise percutant (Rock star), un constat délicat et apaisé (Vortex). Et la voix, bien sûr, voltigeuse, lyrique, instrument de tous les possibles. Nulle résistance à l’écoute de ce troisième album si ce n’est s’y aventurer aussi loin et aussi longtemps que possible.